Itinéraire salé d’un marin d’eau douce ou comment j’en suis venu au voile aviron. (22)

L’Increvable, petit voilier faisant accessoirement office de kayak !

Au tout début des années 2000 nous avions posé nos valises à Ankara. La mer était loin, mer Noire ou mer Egée il fallait se taper des kilomètres pour rejoindre les côtes. Dommage car les rivages d’Asie Mineure offraient un terrain de jeu infini pour les plaisirs de la navigation côtière. Plus près de la maison, nous avions de grands lacs, dont un tout proche de la ville, Eymir Gölü.

Sur la terrasse de notre appartement d’Ankara

J’avais songé à ramener la Marie Charlotte à l’occasion d’un retour en France mais les démêlés que j’avais rencontrés avec la douane et l’administration turque m’avait quelque peu refroidi… Acheter un bateau sur place était une possibilité. On trouvait quantité de ports de plaisance et le marché de l’occasion offrait des opportunités intéressantes. Mais encore une fois les distances étaient grandes de la capitale aux plus proches rivages.

C’est alors que j’eus l’idée d’importer le seul bateau qu’il était possible de transporter avec soi, y compris en avion : un kayak pliant. J’avais tout de suite jeté mon dévolu sur la gamme Klepper car j’avais vu qu’il était possible d’ajouter un gréement qui transformait leurs esquifs en véritables petits voiliers biplaces.

Une image sur la mer Egée, une photo que j’avais vu longtemps « piquée » par un revendeur de kayak sur le net !

C’est donc un Aerius expédition doté d’un gréement qui allait devenir le bateau sur lequel j’allais le plus naviguer et surtout dans des endroits les plus divers.

Il est vrai que les débuts sur la rivière Kızılırmak, la rivière rouge en Cappadoce, avaient été difficiles ! Ce fut l’occasion de le baptiser l’Increvable !

Passage triomphal sous le Rialto à la fin de la Vogalonga à Venise

Très vite donc mon kayak allait devenir « un authentique petit voilier faisant accessoirement office de kayak » ! Plus tard, j’allais le doter d’outriggers pour le stabiliser dans la houle avec des vents portants et même à la fin d’un petit moteur électrique.

Si je devais résumer toutes les navigations, l’inventaire serait un peu long ici… J’avais créé un site qui s’intitulait « le blog du kayak pliant » où je racontais toutes mes navigations en y incluant des prolongements sur l’environnement historique et culturel qui les entouraient. Un site pas mal fréquenté à l’époque…

On peut en retrouver la trace (en cliquant sur l’image ci dessous) :

J’avais déménagé le « blog du kayak pliant », autrefois site autonome sur cet ancien blog

On retrouvera également dans différents articles dans l’Os quantité de récits et d’illustrations de mes différentes pérégrinations ainsi que des améliorations apportées à ce kayak au fil du temps.

Oui, vraiment, beaucoup navigué ! Des lacs en France, en Turquie, des rivières et des fleuves, En mer, des rivages de la mer Égée ou de la mer Noire à l’océan Atlantiques et aux pertuis rochelais… La Costa Brava en Espagne.

Si je devais conserver deux images marquantes, j’ai en tête le somptueux passage sous les arches du château de Chenonceau à la voile et la traversée de Venise lors de la Vogalonga en 2007… Mais combien d’autres se bousculent encore !

Chenonceau sur le Cher.

Alors oui, j’ai eu d’autres kayaks, des gonflables. D’abord un Solar qui était lui aussi parti en Turquie avec l’idée de disposer d’un bateau plus souple pour passer en douceur les rapides de la Kızılırmak qui avait fracassé mon pauvre Klepper. Et puis le dropstich est arrivé qui procurait une rigidité importante aux kayaks gonflables. Alors ce furent le Yakkair one et les Nomad de Bic dont on trouvera beaucoup d’illustrations sur ce blog avec le fameux concept Kayak + vélo + remorque + matos de camping …

A suivre …

Aller courage ! encore une étape, un bateau et nous arriverons au canot voile aviron ! Prochain épisode : Venexiana 4 !

Itinéraire salé d’un marin d’eau douce ou comment j’en suis venu au voile aviron. (21)

À la poursuite d’Octobre Rouge, le troisième Maraudeur.

La Marie Charlotte, le Cruz avait remplacé le Maraudeur Raspoutine. Cependant je gardais toujours un lien avec l’AS… C’est ainsi que nous avions accompagné le rassemblement de 1999 sur l’Erdre avec le Cruz, histoire de retrouver les copains.

Et voilà que je tombe sur une annonce de vente pour un Maraudeur en bois. Le bateau appartient à un régatier, il semble bien équipé. Les photos numériques n’existent pas encore, pour me faire une idée précise, j’envoie un appareil jetable au vendeur avec pour instruction de le mitrailler sous toutes les coutures.

Le bateau est sur sa remorque dans un club et son historique de régate est connu. Pas question de reproduire l’erreur du Maraudeur bourguignon ! Les photos sont intéressantes.

Le bateau dans son état initial dans son club dans les Yvelines

Affaire conclue ! Je rapatrie le bateau sur les bords du Rhône.

Bien équipé, mat Proctor à retreint, voiles de régate usagées mais pouvant encore faire l’affaire en attendant mieux. Par contre la remorque est « cuite », je la débite à la disqueuse ne gardant que l’essieu à peu près potable et qui fera le bonheur d’un amateur du Bon Coin.

D’extérieur l’état est relativement correct mais j’ai dans l’idée de réaliser un compromis entre esthétique classique et équipement hi tech !

Ponçage, enduit, peinture…
Derrière Octobre Rouge, le Cruz la Marie Charlotte

J’ai toujours aimé les bateaux à coque noire, peut être une réminiscence de Wouafi le Cap Corse de Moreau, mon premier embarquement !

Je mets au travail en commençant par une reprise complète du pontage. Puis ponçage de la coque et nouvelle peinture noire pour les œuvres mortes et carène blanche. Le projet prend tournure et commence à ressembler à ce que je veux obtenir.

Le pont aura une finition « pont en teck » avec de fausses lattes peintes en trompe l’oeil.

Et pour le nom, je choisis de rester dans la lancée de Raspoutine mais cette fois ce sera « Octobre rouge« … Message lancé aux futurs concurrents en régate : « les gars vous êtes à la poursuite d’Octobre rouge » ! Le nom est sérigraphié en alphabet latin côté tribord et en cyrillique sur bâbord.

La première mise à l’eau à lieu au Grand Large. Tout va bien, sauf que l’on constate une légère entrée d’eau à l’intérieur au niveau de la base du puits de dérive. Sur l’instant je n’y prête pas trop d’attention…

Première mise à l’eau au Grand Large avec mes gars
Il flotte !
Belle gueule quand même ! les balcons proviennent du Maraudeur fantôme.

L’objectif est de participer au National 2000 que j’organise sur le plan d’eau de Saint Victor sur la Loire.

C’est juste avant le national que je détecte le problème que je n’avais pas remarqué auparavant. Sous le bateau, une pièce de bois massif relie la carène au lest en fonte (le saumon). Je presse un doigt sur le bois et mon pouce pénètre dans celui-ci comme dans du beurre : il faut se rendre à l’évidence : le bois est pourri ! Pour l’instant l’ensemble tient le coup mais, voilà la cause de l’entrée d’eau dans la cabine !

Catastrophe ! Vu de l’extérieur le bateau est splendide mais un cancer invisible le ronge de l’intérieur…

Le national approche, en désespoir de cause je colmate les trous dans le bois pourri avec … du ciment prompt ! Après tout, c’est un lest !

Le National arrive, nous logeons au château au dessus du lac. Les régates sont organisées avec le concours du club nautique de Saint Etienne, comme d’habitude en respectant toutes les règles de la FFV.

Est-ce le stress, l’émotion, toujours est-il que, crac un lumbago vient me fusiller et je dois me résoudre à laisser la conduite du bateau à mes fils Barth et Jim qui sont devenus entre temps de bons régatiers en Equipe. Mais l’épreuve est ventée, et force est de constater que la voie d’eau s’aggrave. Il faut se résoudre à sortir le bateau et abandonner la course.

Octobre Rouge fera même la couverture du N°128 de la revue de l’AS !

.Après le National, une fois revenu à la maison, le constat est sans appel : il est impératif de reprendre de manière sérieuse le saumon pour sauver le bateau En fait ce problème est connu sur les « bois », Louis Blancanneau fera d’ailleurs un article sur la question dans le bulletin de l’AS. Seulement voilà, la réparation n’est pas aisée à mener à bien et dépasse mes compétences. Je prends contact avec le charpentier de marine qui a refait le bateau de Loulou (Blancanneau) en Bretagne.

Mais l’année 2000, au delà du millésime, sera pour nous une date importante. En effet, en septembre nous levons l’ancre de nouveau pour une nouvelle destination qui va nous conduire pour quatre ans au fin fond des steppes anatoliennes à Ankara en Turquie.

Ne pouvant conduire à bien la restauration, je fais don du bateau à un voisin qui a des velléités de navigation. Hélas, le Maraudeur aura une triste fin. Le voisin en question ne restaurera jamais le bateau et celui finira en jeu pour enfant dans son jardin avant de disparaître complètement…

A suivre : la scène se passe à l’aéroport de Lyon Saint Exupéry à un guichet de la douane :

  • et il est où votre bateau ?
  • Ben là ! et je désigne trois sacs empilés sur un chariot.

et le gabelou dubitatif tamponne en soupirant le bordereau de détaxe…

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Encore qu’il ait fait beau et qu’la Marie Charlotte soit un bon bateau !

Le temps des régates étant momentanément passé, le Maraudeur Raspoutine était reconverti en bateau de balade en famille à la journée.

Même si l’expérience en Suède avait montré que le bateau pouvait s’y prêter, ce n’était pas idéal. Rechercher une embarcation plus adaptée au programme s’imposait.

L’idée c’était une coque ouverte, assez vaste pour transporter deux adultes, quatre enfants… et un chien !

L’idée de la péniche de débarquement ayant été écartée, le choix s’orienta vers deux modèles que nous avions remarqués au salon nautique de Paris.

Le Seil joli canot voile aviron de type prame norvégienne… déjà la tentation du voile aviron pointait le bout de son nez ou un autre modèle résolument moderne avec néanmoins un look sympa le Cruz de Topper.

Le premier avec sa marotte me rappelait mon Fireball, le second paraissait bien pensé avec son gréement en ketch, ses voiles enfilées sur les mats comme un Laser, simple à mettre en œuvre : pas de gréement dormant, mise à l’eau facile.

Ce fut l’occasion qui fit le larron et décida du choix. Une annonce pour un Cruz à aller chercher dans les Landes à Souston.

Vacances de Noël, nous voilà donc partis pour ramener le bateau. Le propriétaire, pilote d’hélicoptère était un type hyper soigneux, le Cruz était nickel, il ne manquait rien.

Et c’est ainsi que le fier bâtiment baptisé La Marie Charlotte allait faire nos beaux jours pendant quelques années.

Cruz version ketch. Le bateau existe également en version avec un gréement classique avec mât, bôme etc…

Que retenir de ces navigations ?

Des balades sur des lacs, en particulier à Neuvic en Corrèze où nous allions camper. La Bretagne, du côté de Port la Forêt et Concarneau. L’Odet. Sur l’Erdre près de Nantes. En méditerranée à la Grande Motte et au cœur de la Camargue par les canaux par grand vent avec juste l’artimon. Les taureaux nous regardaient passer. Aigues Mortes et un cubi de pinard acheté au passage. A Garabit avec un bivouac de nuit avec mon père et mon frère Olivier pour pêcher le Sandre au petit matin. A la Rochelle dans les Pertuis, au coeur du fier D’ars sur l’ïle de Ré. Sur le Rhône près de chez nous … Bref un vrai jeep de la mer, très sécurisante, très stable. Un chouette petit bateau.

Glacière, capote, bidons étanches… rien ne manque sur ce super petit bateau

Un bateau idéal pour des pique niques (il comportait une glacière intégrée !) Pas un foudre de guerre, ce n’était pas l’objectif.

Avec des copains à Neuvic et il reste encore de la place !

Je saute quelques étapes, nous y reviendrons, mais nous lorsque nous avons posé les valises à La Rochelle, l’idée d’un plus grand bateau s’imposait. La Marie Charlotte est alors partie avec ses nouveaux propriétaires en Bretagne.

Le cirque Pinder en action, la caravane, le bateau et la smala en route pour La Rochelle !
Familial …

A suivre : avant d’arriver à Venexiana 4, il nous faudra partir à la poursuite d’Octobre Rouge et faire connaissance avec l’Increvable

Itinéraire salé d’un marin d’eau douce ou comment j’en suis venu au voile aviron. (19)

Venexiana III

Nous étions de retour en France, à Lyon où les régates avec le Maraudeur Raspoutine se poursuivaient tout au long de l’année.

Mais nous avions toujours notre marina de Port Camargue., le Marau dans notre mouillage faisait un peu riquiqui ! De plus optimisé pour la régate ce n’était pas vraiment un bateau destiné à la croisière… Depuis le balcon de la résidence qui donnait sur la sortie du port, on distinguait à l’extrémité d’une des pannes du port publique la silhouette élégante d’un joli « bateau bleu ». Ce voilier était à vendre…

L’idée d’un « gros » bateau à la mer et d’un « petit » pour le Grand Large et les régates de Lyon faisait son chemin…

Le bateau était ancien mais dans un état correct. J’étais séduit par son look « vintage » qui avait tout de suite attiré mon attention. C’était un Trapper 400 MK 3 des architectes Cuthbertson & Cassian. Un modèle plutôt rare. Il me rappelait, la barre à roue en moins, l’Alpa 950 qui m’avait tant fait rêver.

Trapper 400 MK 3

Et c’est ainsi qu’Amogha, aussitôt rebaptisé Venexiana 3 devint notre nouveau navire amiral.

Il était équipé d’un moteur diesel Arona monocylindre que l’on démarrait avec un décompresseur comme une mobylette et dont le tap tap régulier faisait entendre la musique d’un chalutier poussif.

Venexiana 3 – immatriculée à Rouen

Les aménagements étaient classiques, pas de cabine arrière. Bien que plus long que le Trident mais en raison de ses élancements, il était moins spacieux à l’intérieur. Je ne l’avais pas payé très cher, je disposais d’un anneau de port, il allait être possible de prévoir quelques aménagements. Changer le moteur, un pont en teck… pourquoi pas ?

« le bateau bleu » c’est ainsi que les enfants l’appelait !

En réalité il n’en fut rien. Un an après nous cédions la marina pour acquérir une maison dans la région lyonnaise. N’ayant pu vendre le bateau à Port Camargue, j’avais dû prendre la décision de le rapatrier sur le plan d’eau du Grand Large où il resta quelques mois au mouillage sur un corps mort. Je finis par trouver un acheteur dans la région et son départ du club quelque peu rocambolesque.

Somme toute, un bateau bien équipé

Le nouveau propriétaire qui habitait Valence avait affrété un semi-remorque pour transporter le bateau jusqu’au port de l’Épervière sur le Rhône où il souhaitait le baser. Premier souci, la grue du club qui nous servait à mettre les bateaux à l’eau tomba en panne. Il fallut faire venir en urgence une grue sur camion qui réussit à poser le bateau sur le plateau du semi-remorque. Problème… Les transporteurs de bateaux utilisent des remorques surbaissées pour tenir compte de la hauteur des voiliers avec un lest… ce n’était pas le cas ici et les gabarits routiers étaient dépassés… Le chauffeur maudissait ce fichu rafiot qui allait l’obliger à éviter les ponts … À dire vrai il a dû réussir car je n’ai plus jamais entendu parler de lui ! Quelques années plus tard j’eus l’occasion de visiter le port de l’Épervière. Je ne vis pas le bateau… Le nouveau propriétaire avait surement réussi à réaliser son rêve qui consistait à rallier Tahiti !

Vaste cockpit.

A suivre : encore heureux qu’il ai fait beau et que la Marie Charlotte soit un beau bateau !