Itinéraire salé d’un marin d’eau douce ou comment j’en suis venu au voile aviron. (21)

À la poursuite d’Octobre Rouge, le troisième Maraudeur.

La Marie Charlotte, le Cruz avait remplacé le Maraudeur Raspoutine. Cependant je gardais toujours un lien avec l’AS… C’est ainsi que nous avions accompagné le rassemblement de 1999 sur l’Erdre avec le Cruz, histoire de retrouver les copains.

Et voilà que je tombe sur une annonce de vente pour un Maraudeur en bois. Le bateau appartient à un régatier, il semble bien équipé. Les photos numériques n’existent pas encore, pour me faire une idée précise, j’envoie un appareil jetable au vendeur avec pour instruction de le mitrailler sous toutes les coutures.

Le bateau est sur sa remorque dans un club et son historique de régate est connu. Pas question de reproduire l’erreur du Maraudeur bourguignon ! Les photos sont intéressantes.

Le bateau dans son état initial dans son club dans les Yvelines

Affaire conclue ! Je rapatrie le bateau sur les bords du Rhône.

Bien équipé, mat Proctor à retreint, voiles de régate usagées mais pouvant encore faire l’affaire en attendant mieux. Par contre la remorque est « cuite », je la débite à la disqueuse ne gardant que l’essieu à peu près potable et qui fera le bonheur d’un amateur du Bon Coin.

D’extérieur l’état est relativement correct mais j’ai dans l’idée de réaliser un compromis entre esthétique classique et équipement hi tech !

Ponçage, enduit, peinture…
Derrière Octobre Rouge, le Cruz la Marie Charlotte

J’ai toujours aimé les bateaux à coque noire, peut être une réminiscence de Wouafi le Cap Corse de Moreau, mon premier embarquement !

Je mets au travail en commençant par une reprise complète du pontage. Puis ponçage de la coque et nouvelle peinture noire pour les œuvres mortes et carène blanche. Le projet prend tournure et commence à ressembler à ce que je veux obtenir.

Le pont aura une finition « pont en teck » avec de fausses lattes peintes en trompe l’oeil.

Et pour le nom, je choisis de rester dans la lancée de Raspoutine mais cette fois ce sera « Octobre rouge« … Message lancé aux futurs concurrents en régate : « les gars vous êtes à la poursuite d’Octobre rouge » ! Le nom est sérigraphié en alphabet latin côté tribord et en cyrillique sur bâbord.

La première mise à l’eau à lieu au Grand Large. Tout va bien, sauf que l’on constate une légère entrée d’eau à l’intérieur au niveau de la base du puits de dérive. Sur l’instant je n’y prête pas trop d’attention…

Première mise à l’eau au Grand Large avec mes gars
Il flotte !
Belle gueule quand même ! les balcons proviennent du Maraudeur fantôme.

L’objectif est de participer au National 2000 que j’organise sur le plan d’eau de Saint Victor sur la Loire.

C’est juste avant le national que je détecte le problème que je n’avais pas remarqué auparavant. Sous le bateau, une pièce de bois massif relie la carène au lest en fonte (le saumon). Je presse un doigt sur le bois et mon pouce pénètre dans celui-ci comme dans du beurre : il faut se rendre à l’évidence : le bois est pourri ! Pour l’instant l’ensemble tient le coup mais, voilà la cause de l’entrée d’eau dans la cabine !

Catastrophe ! Vu de l’extérieur le bateau est splendide mais un cancer invisible le ronge de l’intérieur…

Le national approche, en désespoir de cause je colmate les trous dans le bois pourri avec … du ciment prompt ! Après tout, c’est un lest !

Le National arrive, nous logeons au château au dessus du lac. Les régates sont organisées avec le concours du club nautique de Saint Etienne, comme d’habitude en respectant toutes les règles de la FFV.

Est-ce le stress, l’émotion, toujours est-il que, crac un lumbago vient me fusiller et je dois me résoudre à laisser la conduite du bateau à mes fils Barth et Jim qui sont devenus entre temps de bons régatiers en Equipe. Mais l’épreuve est ventée, et force est de constater que la voie d’eau s’aggrave. Il faut se résoudre à sortir le bateau et abandonner la course.

Octobre Rouge fera même la couverture du N°128 de la revue de l’AS !

.Après le National, une fois revenu à la maison, le constat est sans appel : il est impératif de reprendre de manière sérieuse le saumon pour sauver le bateau En fait ce problème est connu sur les « bois », Louis Blancanneau fera d’ailleurs un article sur la question dans le bulletin de l’AS. Seulement voilà, la réparation n’est pas aisée à mener à bien et dépasse mes compétences. Je prends contact avec le charpentier de marine qui a refait le bateau de Loulou (Blancanneau) en Bretagne.

Mais l’année 2000, au delà du millésime, sera pour nous une date importante. En effet, en septembre nous levons l’ancre de nouveau pour une nouvelle destination qui va nous conduire pour quatre ans au fin fond des steppes anatoliennes à Ankara en Turquie.

Ne pouvant conduire à bien la restauration, je fais don du bateau à un voisin qui a des velléités de navigation. Hélas, le Maraudeur aura une triste fin. Le voisin en question ne restaurera jamais le bateau et celui finira en jeu pour enfant dans son jardin avant de disparaître complètement…

A suivre : la scène se passe à l’aéroport de Lyon Saint Exupéry à un guichet de la douane :

  • et il est où votre bateau ?
  • Ben là ! et je désigne trois sacs empilés sur un chariot.

et le gabelou dubitatif tamponne en soupirant le bordereau de détaxe…

La Der des ders ?

Dernière navigation de l’année ? Pas sûr ! En tous les cas, dernier rassemblement pour cette année.

photo Emmanuel Conrath (ici avec le moteur le vendredi, la suite sera sans moteur et avec les avirons ! )

Après Pareloup et Festivoiles en juillet nous étions donc au lac du Der en Champagne pour un rassemblement avec Pirate du Rhône : Terre et Der !

Raoul inscrit au rôle des équipages de Pirate du Rhône observe la flotte

Nous connaissons le lac du Der à l’occasion des rassemblements Arwen Marine alors que le lac est plein, les champs de colza éclatants de jaune sous le soleil printanier et que le vent est au rendez vous.

Mais là, c’est une toute autre musique. Il semblerait que le réchauffement climatique ne soit pas une vaine polémique de réseau social. Toujours est-il qu’au 6 octobre la température est estivale.

Le niveau de l’eau est bas, très bas, normal en fait puisqu’il s’agit de réguler le niveau des crues de la Marne sur la capitale.

Résultat, une vision inédite du plan d’eau et surtout le passage annoncé des « demoiselles du lac », les grues et autres oiseaux migrateurs.

Le temps des copains sur une plage du bout du monde…

Résultat : trois jours de pétole nonchalante dans des petits airs, autrefois on aurait dit un temps de demoiselle… sous un soleil généreux mais peu agressif, en louvoyant au milieu des pécheurs de brochet qui consciencieusement accrochent les bestiaux, les remontent sur leur barque, les mesurent, prennent une photo et les rejettent à l’eau… Chacun son plaisir… (pauvre con aurait dit un brochet malpoli…)

photo Jean Marie Morlet

Toutes les photos de ce merveilleux rassemblement ici.

L’ami Fred !

Après de nombreux échanges virtuels depuis un bon bout de temps sur Facebook, voici venu le temps des rencontres dans la vraie vie, sur les bord du lac de Pareloup !

Frédéric Kasler anime le groupe EMUL : embarcation mixte ultra légère sur FB.

Fred est venu au rassemblement avec son canoé à voile Shearwater : un superbe engin, léger, rapide, facile à mettre en œuvre. En plus, il m’explique qu’il le perche sur le toit de sa voiture avec une galerie adaptée !

Festivoiles 2023

Bon alors on va parler du plus petit des grands rassemblements de voiles-avirons : Festivolies.
Bien sûr les vrais marins qui aiment se faire chier avec la marée, la vase, les courants, les glapissements de biniou préféreront l’océan, l’ouest, la Bretagne et les chapeaux ronds. Faut dire que ça vaut le coup ! Le golfe du Morbihan, une merveille du monde, les abers, les îles tout ça c’est pas de la gnognote… Oui, mais bon quand on habite dans le sud, la Bretagne c’est loin…
Alors l’Aveyron.
Quoi l’Aveyron ? Tu veux dire l’aviron qui nous mène, mène, l’aviron qui nous mène en rond ?
Meuh non ! L’AVEYRON ! Le lac de Pareloup, planqué quelque part dans un coin de France, au milieu des collines, en dehors de l’autoroute. Si tu descends vers le sud sur l’A 75, à un moment faudra mettre le clignotant à droite et t’enfoncer dans le haut pays.


Bon bref, Pareloup, le lac.

Un camping génial qui fleure bon l’odeur de club, tu sais celui que tu as fréquenté dans ta jeunesse, des monos, un zozo, des catas des Optimists des dériveurs, un local avec des grosses gamelles pour faire la tambouille les grands jours.
Un camping normal aussi avec des emplacements ombragés, des sanitaires mieux qu’à la maison, bref la convivialité et le confort.
Et puis Festivoiles.

Un couple, Elodie et Vincent, est aux commandes. Bon ces deux là s’ils n’existaient pas il faudrait les inventer ! OK, d’accord, ils ne sont pas seuls, le club, les monos, les campeurs…
Questions participants, on retrouve des bateaux connus, on fait connaissance avec d’autres, des petits des plus gros mais tous de fichus beaux barlus ! Des voiles avirons…Et puis surtout les équipages !
Alors s’en suivent comme à Woodstock, trois jours de bonheur de voile et d’amour…
Du vent, oui, limite brafougne avec des bascules de folies. On s’en fout, l’essentiel c’est de tous se retrouver pour le pique-nique sur une plage dans un bras éloigné du camping, là-bas, très loin au fin fond du lac. Au bout du monde !

Deux Skerry à Pareloup : Naïma et Pirate du Rhône – crédit photo D’Jack


Pas de pertes, tout le monde est là pour le taboulé d’Elodie et le cubi de rosé (qui fait pas le malin).

Bref, pour qui possède un petit bateau avec des voiles et des avirons, Festivoiles demeure la bonne case à cocher pour passer un chouette moment avec des copains dans un cadre idéal au cœur du bel été aveyronnais.

Naïma

Naima ou Naïma (en arabe نعيمة) est un prénom féminin arabe, signifiant « douce et délicieuse », ou « douceur du paradis ».
Pour moi c’est le nom d’un des plus beaux Skerry que l’on peut croiser sur les plans d’eau « où ça navigue « . Élégance et efficacité ne sont pas antinomiques….


Si on l’examine de près, le bateau n’est pas rutilant, c’est un barlu qui s’est usé sur de longs bords de brise, alors que moi comme un couillon, je continuais de scruter la météo au bistro… C’est un bateau qui a souffert, un mat cassé au lac du Der, il y a quelques années… on y était ! Mais quelle élégance sur l’eau avec sa corne, son foc, nonchalant dans le temps de demoiselle, efficace et redoutable dans la brafougne.

Naïma le plus beau des Skerry avec sa coque noire et sa flottaison blanche !

crédit photo D’Jack (sur le lac de Pareloup pour Festivoiles 2023 )