Randonnée ligérienne…

La lente Loire passe altière et, d’île en île,
Noue et dénoue, au loin, son bleu ruban moiré ;
La plaine, mollement, la suit, de ville en ville,
Le long des gais coteaux de vigne et de forêt ;
Elle mire, orgueilleuse, aux orfrois de sa traîne
Le pacifique arroi de mille peupliers,
Et sourit doucement à tout ce beau domaine
De treilles, de moissons, de fleurs et d’espaliers.
Ce jardin fut le nôtre ; un peu de temps encor,
Ta douce main tendue en cueillera les roses ;
J’ai regardé fleurir dans sa lumière d’or
La fine majesté des plus naïves choses …

Francis Vielé-Griffin

Une fois de plus c’est une petite flotte hétéroclite qui s’élance de  Beaulieu en ce jeudi matin, fête carillonnée de l’Ascension. Le ciel est menaçant mais « qui trop écoute la météo passe sa vie au bistrot » professe avec sagesse le proverbe breton…

Après une nuit frisquette, dédaignant la rosée cristallisée en givre de ce premier matin nous partons pour trois jours de fleuve, d’îles sauvages, de villages aux clochers pointus, de rivages boisés, d’oiseaux piaillant dans le ciel et de castors plongeant dans la rivière.

Les coups de pagaie sont vigoureux mais le fleuve l’est tout autant, en bref il y a du bouillon et la flottille progresse allègrement armée par de valeureux équipages.

Pour ce nouvel épisode, notre groupe a évolué et s’est enrichi de nouvelles personnalités, offrant un nouveau casting.

Honneur à Patricia et Philippe sur leur navire amiral Nautiraid qui nous ont concocté cette rando avec le souci du détail et de la perfection, la patrie vous en est reconnaissante , un grand merci à vous deux.

Le consortium franco-russe Marcel et Svetlana chevauche un impressionnant Tromaran, OFNI  carrossé en prao écarlate. Marcel, un petit cheval noir sur le bordé et la Ferrari du kayak est enfin parmi nous ! Navire amiral de la flotte du Nord, né sur les étangs du Languedoc, ton fier  navire relègue l’Octobre Rouge du commandant Ramius au rang des barlus de pacotille. Marcel ton bateau c’est de la poésie brute, l’honneur de ce fleuve. A n’en point douter, Jean Carmet en eut pété d’émotion, un verre de Bourgueuil à la main et la larme à l’oeil en te voyant tracer ton sillage sur le fleuve…

Nancy et Jean-Pierre ont apporté avec eux un peu du bleu de la méditerranée avec leurs deux sit and top Bic.Nancy c’est la Belle de Mai pour un temps ligérienne, l’Estaque Sormiou et la Ciotat qui fulgurent dans la douceur des îles de Loire.

Alain à la pointe de notre escadre, manoeuvre  avec dextérité et élégance son canoë Old Town. Chapeau l’artiste, le geste est précis et tout semble facile pour ce canoë vert qui nous ouvre la route.

Enfin le Yakkair de Jacques fait en sorte que je me sens moins seul dans le monde des gonflants gonflés.

Jacques que d’aucuns auraient bien voulu brûler en d’autres temps, Jacques le Giordano Bruno des forums de la discorde… Oui mais il observe les oiseaux cet homme là. Il chante en Russe de vieilles balades que reprend Sviètlana, et corrige la vulgarisation scientifique là où il la croit fallacieuse, ou l’enseignement indûment coûteux. Il scrute le travail des maîtres compagnons bâtisseurs de Saint Benoît et tant d’autres choses encore … Et  « Quelle pétulance, marquis ! », vous la connaissiez ? Pas encore ?

Bienvenue au club des marins d’eau douce amère cher Jacques !

Trois jours de cache cache avec les nuages avec juste ce qu’il faut de soleil pour donner à cette lumière ligérienne cette teinte apaisée de la « doulce Loire ». Le vent lui même est favorable et me permet par moment d’envoyer ma petite voile tandis que Philippe et Patricia nous jouent un remake des parapluies de Cherbourg…

Escales touristiques : Briare et son fameux pont canal, le hameau de Bouteille son moulin et son four à briques, Sully sur Loire et son château, Saint Benoît et son abbaye. Rencontre patrimoniale avec l’authentique marine de Loire, cette très belle toue cabanée et son propriétaire rencontrés au Hameau de Bouteille.

Quiétude des bivouacs rustiques dans des écrins de verdure, crépitement du feu de bois et de la pluie la nuit sur la toile de tente. Musique des cloches lointaines, frémissements des  bruits de la nuit et du vent dans les hautes branches, clapotis de la rivière dans les remous des pierres englouties.

Et puis au milieu du parcours, passage du cap Horn des petits bateaux de Loire ! Le franchissement de la glissière du barrage de la centrale de Dampierre !

L’inquiétant Léviathan se signale de loin avec les panaches de ses tours réfrigérantes. Plus on se rapproche sous un ciel menaçant, plus on perçoit le roulement sourd de la chute d’eau… Franchirons nous le toboggan sur nos coquilles de noix ou allons nous devoir porter les bateaux pour effacer l’obstacle ?

Finalement, guidés par Alain, c’est toute l’invincible armada qui caracolant dans l’écume et  le courant se joue de la difficulté.

Ah ! ah !!! C’était fastoche !! Après …

Et l’on repart avec vigueur, tout faraud mais l’esprit quelque peu soulagé…

Et le fleuve toujours qui nous porte.

Enfin au bout de ces trois jours si courts, le kayak décrit une ultime courbe, racle une dernière fois le rivage devant le camping de Chateauneuf, et s’immobilise.

Voilà c’est fini… débarquement, rangement, douche chaude retour à la vie de tous les jours.

Ah c’était bien.

 Le road book de la rando par Patricia et Philipp

Brafougne et pétole : le rassemblement de Pareloup…

L’histoire pourrait s’écrire « au commencement ils se sont connus sur Internet puis un jour ils se sont rencontrés au bord de l’eau, alors leurs rendez-vous se multiplièrent … »

Voici donc quelques échos de la dernière rencontre des amis de ces étranges petites embarcations à voile, sans voile et même désormais à propulsion solaire !

Cette fois, c’est sur le lac de Pareloup dans l’Aveyron que la représentation a eu lieu…

Au fil du temps la bande s’agrandit où plutôt s’enrichit de nouveaux personnages, de nouveaux talents, de nouveaux bateaux. A présent la joyeuse clique des kayaks et canoës à voile et sans voile c’est un peu comme le Cirque de Moscou avec un grand effectif et des troupes différentes selon les différentes représentations.

Dans le genre Pareloup n’a pas manqué à la tradition et s’est révèlé un grand cru !

Les hommes d’abord (mais non Maryline ne fait pas la grimace, d’abord Marie Noëlle a fait une apparition et les « hommes » c’est l’homme l’espèce humaine en général) … et il faut dire qu’en matière d’espèce il y en avait de bien beaux spécimens.

Honneur d’abord à notre Marcel préféré qui était à l’initiative de la rencontre. Inutile de le présenter on le connait c’est l’homme qui vous scie en long des planches à voile en moins de deux et vous concocte des trimarans vraiment trop marrants en deux coups de tournevis.

Le Claude, nourrit au biberon dès sa tendre enfance dans le milieu du kayak par tonton Marcel, emplit sa voiture à chaque rassemblement d’outils et de matériaux divers pour améliorer, rafistoler, optimiser son « P’tit Marcel » son kayak à voile dont le dernier avatar vient tout droit de Pologne. Claude l’insatiable, Claude qu’on arrête jamais et qui nous en a encore fait une belle cette fois ci… mais patience on y vient un peu plus tard.
Après tu trouves Roro… Lassé des gros bateaux des naufrages au large des côtes, de la survie en radeau, des sauvetage par les cargos et autres hélitreuillages voilà qu’il s’est converti au kayak. Mais plus organisé, plus méticuleux, plus chiadé que Robert … non, tu trouves pas. Roro il a tout dans son bateau, mais « tout » ce n’est pas le bazar, non, tout ce qu’il faut pour naviguer, bivouaquer, camper, réparer, manger, soigner (à mon avis il doit avoir le matos pour t’opérer de l’appendicite dans un bras de l’Orénoque en cas de problème).

Et dans le sillage de Roro (voir devant dans les descentes) la douce Maryline qui dans ce grand cirque  de Pareloup représentait bien seulette la gente féminine.

Jacques et Daniel, les tontons flingueurs, dans le fond plus amateurs de vins de Loire que de whisky, mais attention ! Méfie, parle pas de Chinon devant eux mais plutôt de Saumur, sinon tu risques de les agacer et de te faire escagasser au passage…

Et puis Michel, le gentleman rameur, archéologue sous marin avec un accent du sud qui nous a ramené un peu de soleil dans les premiers jours de pluie.

Charles son éternelle bonne humeur et son matos d’enfer. Super sa nouvelle combinaison sèche, naturellement il y avait toujours des pas malins pour le surnommer « la balise » avec sa belle couleur jaune mais te casse pas Charles, c’est rien que des jaloux et des foireux.

Jean-Marie était venu de Bordeaux avec son canoë-prao mais le mauvais temps du samedi l’a conduit à renoncer, dommage nous aurions bien voulu voir naviguer ce joli bateau…
Ensuite Gégé, le Gérard qui arrive de Toulouse en moto dans le froid et la pluie, qu’on à récupèré gelé et transi, en pointillé, et qu’on a du mettre à égoutter dans la baignoire quand il est arrivé le pauvre.

Et pour finir mais je l’avais gardé pour la fin, Marcel nous avait dégotté une recrue de choix pour compléter la bande : Christian, «Monsieur Christian », devrais je dire parce lui son canoë il ne marche pas à la voile (quoique), pas à la pagaie (quoique) non, il marche au soleil !!! Inventeur génial et modeste (comme tous les grands hommes) voilà bien un sacré lascar qui vient révolutionner notre petit monde de voileux et de rameurs avec son engin solaire.


Alors les bateaux : On retrouve les Nautiraids de Robert et Maryline, les
Kleppers de Charles et de votre serviteur, le sit on top de Michel qui ne veut
pas entendre parler de voile, le tromaran de Marcel, le nouveau kayak pliant de
Claude made in Pologne, le canoé Old Town des Tontons flingueurs et enfin le
Photon le canoë ou plutôt les canoës solaires de Christian.  »

Et la navigation dans tout ça ? Ceux qui sont arrivés le vendredi ont pu profiter du soleil mais samedi la pluie était au rendez-vous. Malgré cela bien équipés, nous avons pu faire quelques ronds dans l’eau. Samedi plus de pluie mais une forte brise, limite pour nos petits bateaux.Claude y va naturellement et je l’accompagne. Le ciel est gris, il ne fait pas chaud et on a même un petit clapot qui nous secoue pas mal. Bast ! On arrive quand même à naviguer et ayant avancé mon plan de dérive le bateau remonte mieux au vent, bref on s’amuse bien. Le froid surtout aux mains me fait renoncer et c’est au moment où je remonte mon bateau sur la berge que Marcel s’écrie tout à coup quelque chose du genre : « Merde y a Claude qu’a chaviré ! « Alors ni une ni deux, je remets le bateau à l’eau

et je fonce sur Claude que je distingue à peine. Quand j’arrive enfin près de lui il est à cheval sur sa coque retournée et tente de pagayer.

Je le dépasse et réussis à peu près « la manœuvre de l’homme à la mer » pour arriver le plus près de lui et saisir une remorque. La côte n’est pas très loin mais ça tire dur sur la corde que je tiens à la main après l’avoir enroulée en partie autour de moi. Et c’est alors que je fais une connerie, j’envoie mon foc qui était enroulé, le bateau accélère la tension sur la corde est plus forte et celle-ci me glisse entre les mains. Au moment où je fais demi-tour pour tenter de reprendre la remorque, le vent forcit de nouveau pas moyen de virer, je suis obligé d’empanner mais je m’éloigne de Claude, je suis obligé de choquer au maximum, les voiles claquent, mon écoute de GV se barre, bref me voici en cacahouète à mon tour. Un coup d’œil me permet de voir que Claude n’est plus loin du rivage, poussé par le vent. Je décide alors de rejoindre le bord pour l’aider à sortir son bateau, retourné et plein d’eau. Entre-temps, j’aperçois soulagé les copains qui arrivent par la terre. Comme par hasard cet endroit est plein de cailloux et je maintiens mon bateau à flot pour remettre de l’ordre et repartir. Finalement les copains m’aident à mettre le bateau au sec et nous sortons le bateau de Claude à son tour.

Miracle pas trop de casse, le bateau lui-même n’a rien, seul son gréement est un peu chahuté et le mât cassé. Nous chargeons les bateaux sur la remorque de Marcel que tracte la voiture de Marilyne et retour au camp de base. Fin de la navigation pour le dimanche…Lundi soleil enfin, un petit vent finit même par se lever.

Nous pouvons enfin voir fonctionner et naviguer le bateau solaire de Christian. Ah c’est impressionnant ! Le tout marche parfaitement dans le silence et le calme. Il faut dire que Christian ne s’est pas contenté de faire des ronds dans l’eau, sa dernière navigation l’a conduit sur le Danube qu’il a descendu en cinq semaines jusqu’à la mer Noire !

Ah j’avoue que ce drôle de bateau me fait sérieusement gamberger !!! Au fond le vent c’est bien également la conséquence de l’énergie solaire ? Alors pourquoi s’embêter avec toutes ces ficelles ces voiles qui claquent, ces dérives qui encombrent. Dommage nous n’aurons pas vu naviguer le prao de Jean-Marie.